Un peu d’histoire

En remontant un peu le temps…
En 1682, Raville était chef-lieu d’une seigneurie de nom et d’armes, baronnie-fief du comté de Luxembourg, siège d’une justice haute, moyenne et basse (le gibet apparait à l’ouest du village près du chemin menant à Servigny-les-Raville sur les cartes de Naudin). En faisaient partie, le village de Fouligny, les francs-alleux de Chevaling et de Vittoncourt, et toute ou partie des voueries de Bambiderstorff, Bannay, Béchy, Bionville, Chanville, Chénois, Courcelles, Frécourt, Hallering, Niederwiesse, Rémilly, Vittoncourt, Wasberg et Zimming.
En 1714, le traité de Rastadt met fin à la guerre de succession d’Espagne. Il est signé entre la France et l’Archiduché d’Autriche. Alors les Pays Bas espagnols reviennent aux Habsbourg de Vienne (qui font partie du Saint Empire Romain germanique) et deviennent les Pays Bas autrichiens.
Dans notre secteur, les 7 villages de Raville, Bannay, Vaudoncourt, Helstroff, Bandiderstroff, Brouck et Hallering sont des enclaves dans le duché de Lorraine qui relèvent du comté du Luxembourg et par suite appartiennent à la reine de Hongrie, impératrice d’Autriche.

Le 16 mai 1769 : rattachement de Raville à la France
motif officiel : continuité territoriale “depuis la Moselle jusqu’à la mer”



Son château
Il semblerait qu’il soit détruit dès le début de la guerre de Trente ans (1618-1648) : en 1642 lors de la vente d’une part de la seigneurie, il est noté que “le château” est “présentement tout ruiné et réduit en mazure”. Il fut sans doute restauré à la fin du XVIIe siècle car dans un procès verbal de visite, il est reconnu en bon état en 1713. Des réfections intérieures (vers 1758-1767) sont mentionnées.  Il fut sans doute incendié et redétruit à la révolution. Ses ruines servirent de carrières de pierre et disparurent vers le milieu du XIXe siècle.


Le canton de Raville
En 1790, Raville fut érigé en chef-lieu d’un canton qui comprenait Bionville, Dorvillers, Fouligny, Guinglange, Hémilly, Marange, Servigny, Haute et Basse Vigneulle. En l’an III, il se fonde dans le canton de Maizeroy qui, en 1802, intégra le canton de Pange.


Un premier détachement de la France
Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. Après de cuisantes défaites, le second empire est remplacé par la IIIe République le 4 septembre 1870. L’empire allemand est proclamé dans la galerie des glaces à Versailles le 18 janvier 1871 et la traité de Francfort met fin à la guerre le 18 mai 1871.

Raville quitte la France pour une période de 48 ans
L’Alsace et une partie de la Lorraine (le nouveau département de la Moselle) sont alors cédées à l’Allemagne. Elles formeront le nouveau Land Elsass-Lothringen, sans représentants au Reichstag et au Bundesrat et placé sous l’autorité directe de l’empereur.
Commence alors une longue période de germanisation qui se traduit en particulier par :
– suivre les lois allemandes
– apprendre une autre langue (à Raville, on ne parle pas un dialecte germanisant)
Mais quelques souplesses :
– en Moselle, à côté des 3 quotidiens en langue allemandes paraissent aussi 3 quotidiens en langue française (jusqu’au 31 juillet 1914)
– les registres du conseil municipal et certains documents administratifs sont rédigés dans les 2 langues : une moitié verticale de la feuille en allemand, l’autre moitié en français (sur les registres du conseil municipal de Raville jusqu’en 1915)
– suivre un autre mode de vie
– porter un autre uniforme

Les habitants ont jusqu’au 1er octobre 1872 pour opter entre conserver la nationalité française (et de fait choisir l’exil) ou devenir allemand (et alors pour les plus jeunes, endosser l’uniforme allemand avec son casque à pointe). Il n’y a aucune trace des choix faits dans les archives communales.
Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Cette première guerre mondiale durera jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918.

Et l’Alsace-Moselle redevient française
Le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, entérine les conditions imposées à l’Allemagne. Mais ce traité y est ressenti comme une humiliation : il n’a pas été négocié, il fait porter toute la responsabilité du conflit par l’Allemagne et il ne comporte aucune clause de réciprocité. Même le Maréchal Foch y voit les germes d’une revanche, fait confirmé par la devise (latine) gravée sur un monument aux morts de Berlin au lendemain du traité “à la victoire, les vaincus qui vaincront demain”.

Et ce retour à la France ne se passe pas sans difficultés
Localement, on notera une difficile remise en route de l’administration communale : des règlements de compte sur l’attitude, réelle ou supposée, de certains pendant la période allemande prennent le dessus. Par exemple, lors de la reconstitution du conseil municipal de Raville, le 28 novembre 1918, le maire, jugé comme “douteux”, est écarté.
Il faut aussi “contrôler” la (ré)intégration des alsaciens-mosellans dans la nationalité française. Un registre, tenu dans les mairies, devait répertorier les personnes réintégrées de “plein droit”. Il permettait au maire de délivrer un certificat de réintégration faisant preuve de nationalité française. Au fil des temps, ce régime particulier a été considéré comme discriminatoire par les habitants, surtout les plus jeunes. Mais il fallu attendre 1993 pour que son usage soit limité et 1998 pour qui’l soit pratiquement supprimé.
Plus généralement, il faut replacer les lois allemandes par les lois françaises, même si ces dernières sont défavorables aux habitants – ou estimées telles. Devant les oppositions, la loi du 17 octobre 1919 décide que l’Alsace et la Moselle continueront d’être administrées, à titre provisoire, selon les textes (allemands) en vigueur et ceci jusqu’à l’introduction des lois du code français. Le “droit local” était né. Cette loi est précisée et confortée par une autre du 1er juin 1924. 100 ans après il est toujours d’actualité. De temps en temps, de polémiques (concernant surtout les religions) montrent qu’il est bien vivant.

Ça recommence en 1940
Suite à l’invasion de la Pologne, la France et la Grande Bretagne entrent en guerre contre l’Allemagne le 3 septembre 1939. Celle-ci se terminera par la capitulation sans conditions du IIIe Reich le 8 mai 1945.
Auparavant, suite à l’armistice du 22 juin 1940, une convention signée entre les représentants de l’Allemagne nazie et ceux du gouvernement Pétain, l’Alsace et la Moselle étaient annexées. Si officiellement son application prenait effet le 30 novembre 1940, de fait c’était la réalité depuis le 25 juillet 1940 suite au rétablissement des frontières de 1871.

Raville est de nouveau allemand pour 4 ans et demi
Le 25 septembre 1940, Hitler ordonne que l’Alsace et la Moselle soient germanisées en 10 ans.

Suppression de la commune de Raville
En 1940, la commune de Raville est supprimée et rattachée à celle de Fouligny. La dernière délibération du conseil municipal inscrite dans le registre date du 11 janvier 1940. Les actes d’état civil depuis le 19 janvier 1941 (jusqu’au 31 décembre 1944) sont portés sur les registres de Fouligny.
Et par acte de mutation du 17 novembre 1941, les terrains de la “donation Conrad” appartenant à la commune de Raville sont attribués à celle de Fouligny.

Les expulsés
Contrairement à ce qui s’est passé en 1870-1872, les alsaciens-lorrains n’ont pas le choix. Dans chaque village, des familles sont expulsées vers la “France de l’intérieur”. A Raville, elles sont 10, soit 35 personnes, a partir sans savoir si elles pourront revenir un jour. (La vie quotidienne à Raville, 1939-45, vue par son curé l’Abbé CALMES).

Le monument aux Morts
Raville n’avait pas de monument aux Morts communal. Pour marquer le 50e anniversaire de la libération du village, une plaque posée sur le mur avant du cimetière est inaugurée le 27 novembre 1994. Elle comporte les noms des :
– 10 morts de la 1ère guerre mondiale
– 3 morts de la 2e guerre mondiale avec la simple mention “A nos morts”

Et aujourd’hui
Faisant suite au traité de coopération signé le 22 janvier 1963 par De Gaulle, président de la République, et le chancelier allemand Adenauer, un nouveau traité d’amitié…

auteurs : Jean-Paul BECKER et Erwin BOULANGER